Je vous oublierai et si cela ne semble pas romantique, c’est parce que ce n’est pas le cas. C’est une simple fatalité, une vérité plus froide que la dernière nuit passée ensemble. Tu te souviens de cette nuit? Quand je me suis réveillé le matin et que je ne sentais rien de familier, c’est quand j’ai su que c’était fini pour de bon. Au moins, c’est ce qui m’est arrivé. Je remplis parfois les blancs parce que j’ai déjà commencé à oublier.
Je me souviens de la couleur de tes cheveux, mais pas de la couleur de ton rire. Je me souviens de votre nom, celui-là est facile; Je ne me souviens pas comment vos parents le disent dans leur langue maternelle (j’ai oublié celui-là à la seconde où vous me l’avez dit). Je me souviens que vous existez, que nous avons passé une partie de notre temps ensemble pour ce qui ressemble à un blip, à un éternuement, à un peu de rien. Mais j’oublie tout le reste, comme ce qui nous a rapprochés et ce qui nous a séparés. Et surtout tout ce qui s’est passé entre cela.
J’oublie ce que c’est que de t’embrasser et ce que c’est que de vouloir. J’oublie ce que cela fait de tenir votre main. Si nous l’avons jamais tenue, c’est comme si nous ne l’avions pas fait. J’oublie ce que c’est que de faire confiance à vous, de croire en vous, d’avoir besoin de vous. J’oublie ce que c’est que de penser que je n’oublierai jamais rien de tout ça. Pendant longtemps, j’ai pensé que je ne le ferais jamais. Vous et moi savons tous les deux que vous avez laissé des fantômes, mais ils semblent avoir trouvé quelqu’un de nouveau à hanter. C’est peut-être toi.
Les blagues à l’intérieur se sont déjà dissoutes en mots non ordonnés sans ligne de frappe. Les cadeaux ont été réduits à des objets dont la grâce salvatrice est leur valeur monétaire, aucune signification et toute fonction. Il y a des photos, quelque part, mais je ne suis plus la personne qui y est posée et quiconque est assis à côté de moi, tout habillé dans votre costume et portant votre masque, eh bien, ce n’est pas vous non plus. Mais que sais-je de qui tu es? J’oublie cette partie, si je l’ai jamais su pour commencer.
Je ne vous oublierai pas comme je n’oublierai pas le blizzard de 96 ou la peine de me faire enlever une dent de sagesse. Comme quelque chose qui m’est arrivé une fois et qui m’a déplu et qui n’a plus aucune importance.
Mais je t’oublierai là où ça compte, comme dans les yeux et le matin et dans les moments qui ont été ressentis, regardés et goûtés beaucoup comme de l’amour. Je vais vous oublier à ces endroits parce que je l’ai déjà.