Ressentir le désir
Il n’y a pas de doute : aimer, c’est désirer l’autre. Mieux, dit Jean-Jacques Moscovitz, « faire l’amour aide à aimer ». Rien ne se fait en amour sans un échange physique. L’amour exige le plaisir parce qu’il y a un désir. Et les amoureux qui font l’amour éprouvent un plaisir supplémentaire. La distinction entre les sexes s’estompe dans la relation.
Nous ne savons plus qui est l’un et qui est l’autre. Les deux se rejoignent. Il y a un dessaisissement de la valeur de l’organe. Nous ne faisons qu’un. C’est un plaisir immense. « Sans amour, le plaisir est vécu comme un moyen de se débarrasser d’une tension, alors que pour jouir d’une émotion qui suscite des ondes, des vibrations, une expérience forte, il faut vraiment aimer. « En amour, on éprouve un autre type de plaisir », ajoute Monique Schneider.
Une diminution du désir signifie-t-elle un manque d’amour ? Pas du tout : « Il y a des moments de béatitude où nous sommes tellement heureux que l’autre soit comme il est, que nous ne pouvons qu’être satisfaits qu’il existe », dit Monique Schneider. Au-delà de ces moments de contemplation, d’autres femmes séparent l’amour du désir. Ce n’est pas qu’il y ait moins de sentiments », explique Jean-Jacques Moscovitz.
Au contraire. C’est comme si l’excès de plaisir les faisait disparaître. Il y a chez l’enfant quelque chose qui n’est pas établi, un idéal d’amour trop ancré dans l’idéal paternel. Ils ont été des femmes et redeviennent des enfants : la relation leur semble incestueuse. La dimension paternelle prend le dessus, peut-être pour se protéger de cette peur d’être dissous dans la querelle. «
Ces femmes se réfugient dans l’adoration de l’amour et défient la relation sexuelle, qui doit à nouveau être apprivoisée. On peut alors passer à une autre forme de relation physique, celle de l’enlacement : embrasser l’autre, le porter comme s’il était en soi. Et quand le désir revient, le désir suit. Dans ce flux et reflux, rien n’est fixe. Tout va et vient.
Sentir que vous existez
Être aimé, c’est se sentir autorisé à exister », disait Sartre, mutatis mutandis. Le véritable amour est cette expérience de légitimité dans le monde, cette illusion que notre amour est unique. L’autre est l’idéal incarné, et nous existons grâce à son regard. L’amour nous ramène à l’état d’un enfant convaincu de son omnipotence, convaincu que le monde manquerait de quelque chose s’il n’existait pas. Nous nous choisissons les uns les autres.
Freud reprend ce thème biblique des élus pour distinguer le véritable amour de la charité dirigée vers le bien. Nous investissons les uns dans les autres. Nous reconnaissons leur importance radicale : nous les respectons, nous les aimons, nous les considérons comme irremplaçables. Nous avons fait une découverte, nous avons découvert un trésor. Nous ne sommes plus seuls.
L’autre personne nous apporte aussi son monde, une ouverture vers d’autres horizons, des émotions qu’auparavant nous ne percevions pas avec la même intensité. Nous sommes plus « éveillés ». Nous avons le sentiment d’être en sécurité parce que nous avons été découverts. « Aimer vraiment intensifie notre sentiment d’être », conclut Monique Schneider.